L’Amour de Bilâl envers l’Envoyé d’Allah

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Après le rappel à Dieu de l’Envoyé d’Allah — que la paix et les bénédictions soient sur lui —, Bilâl Ibn Rabâḥ, qu’Allah l’agrée, le fidèle muezzin du Prophète, quitta Médine. Il ne pouvait plus demeurer dans cette ville où chaque pierre, chaque souffle, chaque parfum ravivait le souvenir de son Bien-Aimé. Il partit s’installer à Dâriyyah, en Syrie, où il se maria.

De nombreuses années s’étaient écoulées sans qu’il ne retourne se recueillir sur la tombe du Prophète, paix et salut sur lui. Une nuit, il se réveilla en larmes. Son épouse, bouleversée, lui demanda :
— « Pourquoi pleures-tu, ô Bilâl ? »
— « Cette nuit, j’ai vu en rêve l’Envoyé d’Allah, que la paix soit sur lui, me dire : Ô Bilâl, qu’est-ce qui t’a éloigné de nous ? N’est-il pas temps pour toi de venir nous rendre visite ? »

Profondément touché, Bilâl, qu’Allah l’agrée, se hâta de quitter la Syrie pour revenir à Médine. Dès qu’il approcha de la Cité Bénie, les larmes coulèrent abondamment sur ses joues. Il n’avait pas encore pénétré la ville que son cœur déjà s’effondrait. Lorsqu’il atteignit le noble mausolée de l’Envoyé d’Allah, paix et salut sur lui, il se laissa tomber, submergé de douleur et d’amour. Le même amour qui l’avait contraint à s’éloigner, incapable de supporter l’absence, le ramenait aujourd’hui au seuil de sa Présence.

Parfois, l’amour devient si intense, si brûlant, qu’il bouleverse l’âme au point de lui faire perdre toute orientation.

Bilâl ibn Rabâḥ, qu’Allah l’agrée, n’était qu’un humble esclave avant sa rencontre avec l’Islam. Solitaire, sans soutien, il vivait dans l’ombre des hommes. Mais dès qu’il reçut le don de la foi, sa vie fut transformée. Il rencontra le Prophète, paix et salut sur lui, et comme tant d’autres compagnons, fut foudroyé d’amour pour lui. Dès lors, il ne vécut plus que pour l’Envoyé, pour l’Islam, pour la Vérité. Son existence s’était fondue dans la sienne.

Il fut dépouillé, humilié, torturé par son maître en raison de sa nouvelle foi. Mais face à la douleur, il opposa une fermeté légendaire. Il répétait avec constance : Aḥad, Aḥad ! — « Dieu est Un, Dieu est Un », trouvant refuge dans son amour pour Allah et pour son Messager. C’est comme si son âme se souvenait d’un lien prééternel avec celle du Prophète, paix et salut sur lui — comme si la Réalité muhammadienne l’accompagnait et ne le quittait plus. Plus la souffrance s’intensifiait, plus sa foi s’élevait. Son corps était brisé, mais son cœur baignait dans la félicité. Il passa ainsi du rang d’esclave à celui de compagnon, et mieux encore : il devint le muezzin personnel du Prophète, paix et salut sur lui, celui qui appelait les fidèles à la prière cinq fois par jour.

Son amour pour le Prophète était tel que, sur son lit de mort, ses dernières paroles furent :
— « Réjouis-toi, réjouis-toi ! Tu vas retrouver l’Envoyé d’Allah. »

Depuis le décès du Prophète, Bilâl ne faisait plus l’adhân. À son retour à Médine, le calife Abû Bakr, qu’Allah l’agrée, lui demanda de lancer l’appel à la prière comme autrefois. Il déclina, les larmes dans la voix :
— « Ô Calife de l’Envoyé d’Allah, je ne peux plus… Après chaque adhân, j’avais l’habitude d’aller dire au Prophète : C’est l’heure de la prière, ô Messager de Dieu. Aujourd’hui, à qui pourrais-je le dire ? »

Même lorsqu’Omar ibn al-Khaṭṭâb, qu’Allah l’agrée, le lui demanda, il s’excusa à nouveau. L’épreuve était trop lourde.

Mais un jour, il croisa les deux petits-fils du Prophète, al-Ḥasan et al-Ḥusayn, qu’Allah leur accorde Sa paix. Encore jeunes, ils s’élancèrent vers lui. Ému, Bilâl les serra contre lui, les embrassant avec des larmes, respirant en eux le parfum de leur noble grand-père. Quand ils lui demandèrent d’accomplir l’adhân, il ne put leur refuser.

Bilâl, qu’Allah l’agrée, monta alors sur le toit de la mosquée, à l’endroit même où il appelait du vivant du Prophète. Lorsqu’il lança :
Allâhu Akbar ! Allâhu Akbar !
Toute Médine s’arrêta. Hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux accoururent, bouleversés.
— « Est-ce que le Prophète est revenu ? » criaient-ils, les yeux en larmes.
Le son de la voix de Bilâl ravivait les souvenirs enfouis du temps béni de la Présence du Prophète. C’était comme si le passé reprenait vie, comme si l’âme de Médine elle-même pleurait d’amour.

Mais lorsque Bilâl voulut prononcer :
Ashhadu anna Muḥammadan Rasûlullâh — « Je témoigne que Muhammad est le Messager d’Allah »,
les mots se nouèrent dans sa gorge. Étranglé par l’émotion, il ne put terminer l’appel. Il descendit en pleurant, et ce jour-là, dit-on, Médine n’avait pas autant pleuré depuis le décès du Prophète, paix et salut sur lui.

Nous, aujourd’hui, lorsque nous levons les mains pour invoquer Allah, nous demandons souvent des facilités, des solutions à nos besoins, des secours pour nos affaires. Mais rares sont ceux qui Lui demandent d’être admis dans le Jardin de l’Amour du Prophète, paix et salut sur lui, d’être réunis avec lui et ses compagnons, de goûter à sa vision ici-bas comme dans l’Au-delà.

Qu’Allah nous fasse miséricorde, nous inspire l’Amour sincère, et nous guide sur le chemin de ceux qu’Il aime.

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