Les Degrés de l’Existence

Les Degrés de l’Existence – Marātibul Wujūd

De l’Essence jusqu’à la matière

Les Marātibul Wujūd représentent une cartographie métaphysique et spirituelle de l’Existence, décrivant les différents niveaux par lesquels la réalité s’est déployée à partir de l’Essence divine. Cette hiérarchie permet de mieux comprendre les mondes visibles (shahāda) et invisibles (ghayb), tout en révélant la place centrale de l’homme dans cette architecture cosmique.

L’Existence se divise en deux grands groupes :

  • Les degrés de la Vérité (Marātibul Haqqiyyati), liés à l’Essence divine et à ses manifestations précréationnelles.

  • Les degrés de la Création (Marātibul Khalqiyyati), qui regroupent les mondes créés et les divers niveaux d’existence issus du Souffle du Très-Miséricordieux (Nafas al-Raḥmānī).

Marātibul Haqqiyyati : Les degrés de la Vérité

Ces degrés appartiennent au monde sublime du Hāhūt, domaine de l’Essence divine pure et de ses manifestations intérieures. Il s’agit de la source de tout ce qui existe, le royaume du butūn al-dhāt (l’intériorité de l’Essence), inaccessible à la compréhension ordinaire. Ce monde comporte quatre degrés :

  1. Al-Dhāt as-Sādhij (l’Essence cachée) : Réalité absolue sans nom ni attribut.

  2. Al-Aḥadiyya (l’unicité pure) : L’Essence dans son isolement absolu, sans aucune distinction.

  3. Al-Waḥda (l’unité) : Premiers aspects de différenciation dans l’unité.

  4. Al-Wāḥidiyya (l’unicité totalisante) : L’émergence des Noms divins et des prémisses de la création.

Les Degrés de la Création (Marātibul Khalqiyyati)

Ce deuxième ensemble se déploie à travers quatre mondes majeurs : Lāhūt, Jabarūt, Malakūt et Nāsūt. Chacun d’eux contient des degrés de manifestation et des réalités propres qui forment l’échafaudage de la Création.

1. Le Lāhūt (Monde de la Divinité)

Ce monde sublime contient les premières créations :

  • Tawqul Akhḍar (le Liseré Vert) : frontière entre l’Incréé et le créé.

  • Arwāḥ al-Muhayyama : esprits éperdus d’amour divin.

  • ʿAql al-Awwal (l’Intellect Premier), aussi appelé Qalam al-Aʿlā, Lawḥ al-Qaḍāʾ, Umm al-Kitāb.

  • Nafs al-Kulliyya (l’Âme Universelle) connue aussi comme Lawḥ al-Mahfūz, Lawḥ al-Qadar ou Kitāb Mubīn.

  • Hayūlā al-Kulliyya (la Matière Universelle) : le Kitāb Mastūr, principe des formes.

  • Le Trône (al-ʿArsh) et le Piédestal (al-Kursī).

2. Le Jabarūt (Monde de la Toute-Puissance)

Ce monde inclut :

  • La Sphère sans étoiles (Falak al-Atlas) ou Sphère du Zodiaque (Falak al-Burūj) : le neuvième ciel.

  • La Sphère des Étoiles Fixes (Falak al-Kawākib) : le huitième ciel. C’est le domaine des âmes pures, des anges et des réalités post-mortem.

C’est aussi dans cette sphère que se situent le Paradis et l’Enfer.

3. Le Malakūt (Monde céleste et imaginal)

Ce monde comprend :

  • Les sept cieux, où s’accomplit l’ordre cosmique.

  • Sidrat al-Muntahā  : le Lotus de la Limite.

  • Bayt al-Maʿmūr : la Kaʿba céleste des anges.

  • ʿĀlam al-Mithāl (monde imaginal) : le royaume des formes subtiles.

  • Barzakh : l’intermonde entre la vie et l’au-delà.

  • Arḍ as-Simsimah ou Arḍ al-Ḥaqīqah : la Terre de la Réalité Essentielle.

  • Malāʾ al-Aʿlā (Plérôme Suprême) : l’Assemblée des anges de miséricorde.

  • Bayt al-ʿIzza : lieu céleste où est gardé le Coran.

4. Le Nāsūt (Monde matériel et terrestre)

C’est le domaine de la vie humaine et de la matière. Il comprend les sept terres, chacune peuplée par différents êtres invisibles :

    • 1ʳᵉ : les humains.

    • 2ᵉ : djinns croyants.

    • 3ᵉ : djinns polythéistes.

    • 4ᵉ : shayātīn (démons).

    • 5ᵉ : ʿifrīt (démons surpuissants).

    • 6ᵉ : mārid (démons rebelles).

    • 7ᵉ : Créatures infernales et gardiens de l’Enfer.

La Terre repose sur un taureau colossal nommé Barhūt, lui-même soutenu par une baleine cosmique nommée Bahamūt, qui porte l’ensemble du monde.

Les Marātibul Wujūd décrivent ainsi le long et mystérieux chemin de l’Essence (adh-Dhāt) vers la forme, du mystère vers la manifestation, du Divin vers l’humain. En les étudiant, le chercheur spirituel entrevoit la grandeur de la Création, mais aussi la noblesse de sa propre place au sein de cette fresque cosmique. Ce savoir invite à l’humilité, à la contemplation et à l’aspiration à l’élévation.

« Ma terre et Mes cieux ne peuvent Me contenir, seul Me contient le cœur de Mon serviteur qui croit en Moi. »
— Hadith Qudsi